Pierre Souvestre et Marcel Allain
Le Faiseur de Reines
FANTÔMAS 26
(1913 – Arthème Fayard)
BOUQUINS – ROBERT LAFFONT
Chapitre I
Au secours d’Hélène
Que s’était-il donc passé ?
Quelle était l’effarante explication de cette situation tragique entre toutes, qui faisait se dresser l’un devant l’autre, dans ce cuirassé hollandais qui transportait une dépouille mortelle, Fantômas et Juve ?
Que signifiaient les étranges paroles du bandit :
— Décidément, Fandor nous a vaincus…
Qu’était devenu enfin l’intrépide journaliste, le mari d’Hélène ?
Qu’était devenue Hélène même, puisque, à l’encontre de tout ce qui semblait certain, rigoureusement indispensable, son corps ne se trouvait pas dans la bière, son cadavre n’était pas dans le cercueil, que Juve venait d’ouvrir avec une frénésie insensée, sous les yeux de Fantômas.
C’était en vérité une étrange histoire, et, pour une fois encore, les événements avaient dépassé les plus fantastiques intrigues, les plus extraordinaires projets.
Fandor, à l’instant où le prêtre avait bégayé les dernières paroles qui l’unissaient devant Dieu à Hélène, tout comme la loi l’avait légalement fait le mari de la jeune femme, Fandor, tremblant, épouvanté, affolé par la pensée du trépas proche qui menaçait Hélène, levait les yeux et considérait la figure de ceux qui se trouvaient assister à ses tragiques épousailles.
Fandor, à cet instant, touchait à la même minute au comble du bonheur et au plus sombre désespoir.
Il y avait de longues années qu’il aimait Hélène, il la chérissait comme nulle femme n’avait été chérie, il parvenait, après de multiples péripéties, à l’épouser, mais il y parvenait à l’instant précis où la mort, implacablement, allait lui ravir celle qu’il épousait, enfin, malgré l’autorité des hommes.
Fandor était acculé à cette horrible situation : d’épouser presque une morte !
Car c’était une morte que tout à l’heure, peut-être, il presserait dans ses bras, une morte, oui, vraiment, car il ne semblait pas qu’Hélène pût échapper aux suites terribles du coup de poignard de Delphine Fargeaux.
Fandor, éperdu de chagrin, levait instinctivement les yeux, cherchant à rencontrer le regard de Juve, ce regard où il trouverait à coup sûr une émotion compatissante, un éclair de sympathie, une souffrance qui comprendrait sa propre souffrance.
Or, ce n’était pas les yeux de Juve qui retenaient l’attention de Fandor.
Ce qui faisait encore blêmir davantage le jeune homme, c’était une remarque, une remarque étrange, une remarque affolante, qui, en même temps, lui faisait peur et lui permettait d’espérer.
Oh ! l’étrange chose !
Elle dépassait en horreur les surprenants mystères.
Les assistants s’étaient groupés au pied du lit d’Hélène. Seuls, le médecin et l’infirmier Claude se trouvaient debout à la tête de ce lit, le médecin penché sur la jeune femme, l’infirmier près de la table surchargée de médicaments, de ces médicaments inutiles, qui ne servaient qu’à prolonger un peu la vie qui s’éteignait et ne pouvaient guérir.
Fandor voyait tout cela en un clin d’œil.