Henri-Pierre Roché
Jules et Jim
Gallimard 1953
En 1907, à Paris, Jules, d’Europe centrale, et Jim, Français, se rencontrent et sont frappés d’une amitié coup de foudre. Tous les deux sont écrivains. L’auteur ne nous parle pas de leurs œuvres, simplement de leurs femmes.
Il en passe beaucoup dans leur vie, toutes très belles, que tantôt ils trouvent seuls, tantôt ils se donnent l’un à l’autre : car chacun ne désire rien tant que rendre son ami heureux. Et l’on découvre le vrai sujet du livre : l’amitié de Jules et de Jim.
Après Lucie, Gertrude, Odile, Magda, arrive Kathe, la plus belle, la plus violente aussi.
Kathe aime d’abord Jules, l’épouse. Elle est sur le point de le quitter pour un autre homme. Mais elle se met à aimer Jim, et ils se fiancent avec la bénédiction de Jules.
Alors s’ouvre pour eux une ère de bonheur et de doute, de jalousies et de talions, de grandes oasis de paradis et d’enfers. Jules les aide de tout son cœur.
Kathe finit par noyer Jim et elle-même dans un accident volontaire d’auto. “Comme tout est plus simple à présent”, se dit Jules.
Jules et Jim est un roman prenant, essoufflant avec son air tranquille. Il traite sans réserve de l’amour et de la chair.
Malgré sa fin tragique il respire l’allégresse, l’humour, la plénitude.
Jules et Jim est l’exemple d’un cas très rare en littérature : un premier roman écrit à l’âge de soixante-quatorze ans ! Son auteur, Henri Pierre Roché, né en 1879, avait partagé entre les lettres, la peinture, les voyages, une vie de dilettante.
Pendant la guerre de 1914-1918 il est correspondant du Temps puis attaché au Haut-Commissariat français à Washington. Il a vécu plusieurs années en Amérique, en Angleterre, en Allemagne et en Orient.
On lui doit la traduction d’œuvres de Peter Altenberg, de Schnitzler, de Keyserling et de poèmes chinois dans leur version anglaise qui ont été mis en musique par Albert Roussel et Fred Barlow. Il est l’auteur d’un Don Juan publié à La Sirène sous le pseudonyme de Jean Roc. Il a donné des contes au Mercure de France, à Vers et Prose et à L’Ermitage.
Peintre lui-même et élève de l’Atelier Julian, il a fréquenté les grands peintres cubistes et a ménagé la rencontre de Picasso et de Gertrude Stein.
À soixante-quatorze ans, donc, il écrit Jules et Jim, puis Deux Anglaises et le Continent. Il meurt en 1959 avant d’avoir vu le film de Truffaut illustrant Jules et Jim et qui a fait connaître et aimer son roman à un très grand public.
I
JULES ET JIM
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JULES ET JIM
C’était vers 1907.
Le petit et rond Jules, étranger à Paris, avait demandé au grand et mince Jim, qu’il connaissait à peine, de le faire entrer au bal des Quat-z’Arts, et Jim lui avait procuré une carte et l’avait emmené chez le costumier. C’est pendant que Jules fouillait doucement parmi les étoffes et choisissait un simple costume d’esclave que naquit l’amitié de Jim pour Jules. Elle crût pendant le bal, où Jules fut tranquille, avec des yeux comme des boules, pleins d’humour et de tendresse.
Le lendemain ils eurent leur première vraie conversation. Jules n’avait pas de femme dans sa vie parisienne et il en souhaitait une. Jim en avait plusieurs. Il lui fit rencontrer une jeune musicienne. Le début sembla favorable. Jules fut un peu amoureux une semaine, et elle aussi. Puis Jules la trouva trop cérébrale, et elle le trouva ironique et placide.