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La vita Italiana nel Risorgimento (1815-1831), parte II / Conferenze fiorentine – Storia
LE “PENSIEROSO”
Mesdames, Messieurs,
Ma première pensée, lorsque j'ai accepté la très gracieuse invitation qui m'amène ici, a été de vous parler du roi Charles-Albert, et naturellement, j'ai cherché quelqu'épisode de sa vie, qui pût avoir pour vous un intérêt particulier. Le séjour que le prince fit à Florence, de 1821 à 1823, sa correspondance pendant ces années de disgrâce, les négociations qui mirent un terme à son exil, me semblèrent tout d'abord se prêter à quelques récits curieux.
Peut-être même, aurais-je été assez heureux, grâce à la correspondance inédite du vicomte de Châteaubriand et du comte de La Ferronnays, pour vous donner quelques renseignements nouveaux sur ce qui se passa au congrès de Vérone en 1823. Mais je l'avoue, au moment de me mettre à écrire, le cœur m'a manqué de livrer à de nouvelles discussions la grande et chère mémoire du roi Charles-Albert. Qu'y pouvait-elle gagner?
Non pas que je conteste la valeur intrinsèque des documents que l'on a déjà apportés, que l'on apportera sans doute encore pour mettre dans sa vraie lumière l'énigmatique figure du dernier Carignan: c'est à leur valeur morale que je m'en prends. Celle-ci m'apparaît douteuse, tant les pièces produites sont et seront toujours contradictoires. Je me borne, pour l'instant, à constater cette contradiction; j'essaierai tout à l'heure d'en préciser la raison. Dussé-je, en attendant, passer pour paradoxal, j'ose dire que les historiens qui voient dans Charles-Albert un roseau agité par tous les souffles de Pathmos voient juste, juste aussi bien que les biographes qui trouvent en lui un reflet du prince de Machiavel.
La question est de savoir si, les uns comme les autres, ne prennent pas simplement dans leurs appréciations l'effet pour la cause.
De l'aveu de tous, Charles-Albert était un imaginatif, un impulsif, pour me servir d'un mot à la mode. Quoi qu'il dît, quoi qu'il écrivît, il était sincère, mais d'une sincérité momentanée, c'est-à-dire que sa pensée, comme sa volonté, ne reflétaient que des sensations présentes.
Elles changeaient donc selon les circonstances.La raison de cette mobilité est ce que je me permets d'appeler le secret du roi. Le cœur a des secrets profonds qu'on découvre seulement quand on le brise; mais pour qui est en possession de ce secret, tout s'explique. Les faits, fussent-ils contradictoires, s'enchaînent. Je vais plus loin, ils deviennent logiques dans leur apparente contradiction.
Je sais bien que l'on traite parfois de roman l'histoire ainsi regardée par son côté psychologique. Ce dédain deviendrait explicable si ceux qui le pratiquent arrivaient eux-mêmes, en ne s'appuyant que sur la matérialité des faits, à établir d'indiscutable façon la vérité historique. Mais en est-il ainsi?
Que de fois il suffit de la découverte d'un document, apocryphe peut-être – cela s'est vu et se verra encore – pour mettre toute critique en déroute. Il est plaisant alors, d'entendre ces docteurs déconcertés se dire l'un à l'autre: