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Автор Марек Хальтер

Marek Halter

Marie

ROBERT LAFFONT

« Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu, Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus… Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n’aura pas de fin.  »

évangile selon luc, 30-33

« Qui donc est parent ? La mère et l’enfant.  »

avadânas, Contes et apologues indiens

« Jésus est la figure la plus lumineuse de l’Histoire. Si personne n’ignore aujourd’hui qu’il était juif, personne en revanche ne sait que sa mère Marie l’était aussi.  »

david ben gourion

 

Avertissement

Les historiens considèrent désormais que la naissance possible de Jésus daterait de l’an 4, soit quatre années avant le début du calendrier officiel de l’ère chrétienne. L’erreur est imputée à un moine du XIe siècle.

Prologue

Il faisait nuit. Les portes et les volets du village étaient clos, les bruits du jour absorbés par l’obscurité.

Sur son tabouret rembourré d’un peu de laine, Joachim le charpentier, le poing serré sur des ronces enveloppées dans un chiffon, polissait des pièces de bois aux nervures délicates qu’il déposait avec précaution, une fois achevées, dans un panier.

Ses gestes étaient ceux de l’habitude, alourdis par la fatigue et le sommeil. Parfois il s’immobilisait. Ses paupières se fermaient, son menton s’affaissait.

De l’autre côté du foyer, Hannah, son épouse, le visage rosi par les braises mourantes, coula vers lui un regard tendre. Un sourire plissa ses joues. Elle cligna de l’œil vers sa fille Miryem, qui lui tendait un écheveau de laine. L’enfant répondit à sa mère d’une grimace complice. Puis, de nouveau, les doigts agiles d’Hannah tirèrent les brins de laine, les entremêlant et les torsadant si régulièrement qu’ils ne formaient plus qu’un seul fil.

Des braillements les firent sursauter.

Là dehors, tout près.

Joachim se redressa, la nuque tendue, les épaules raides, sans plus trace de sommeil.

Ils entendirent d’autres cris, reconnurent des voix, plus aiguës que des cliquetis de métal, et les rires qui jaillirent soudain, incongrus. Une plainte de femme s’éleva, s’acheva en sanglots.

Miryem scruta le visage de sa mère. Hannah, les doigts noués sur la laine, se tourna vers Joachim. La mère et la fille le regardèrent déposer dans le panier la pièce de bois qu’il travaillait encore. Un geste précis, soigneux. Par-dessus, il jeta la poignée de ronces enveloppées de chiffons.

A l’extérieur, les hurlements enflèrent, plus violents. Toute la ruelle du village s’agitait. Des insultes fusaient, clairement compréhensibles, franchissant les portes et les murs.

Hannah rangea son ouvrage dans le tissu déployé sur ses cuisses et ordonna tout bas à Miryem :

— Monte.

Sans attendre, elle retira l’écheveau des bras tendus de la fillette. La voix plus dure, elle répéta :

— Monte. Dépêche-toi !

Miryem s’écarta de la cheminée et recula jusqu’à la tenture qui masquait la cage d’escalier noyée d’ombre. Le rideau repoussé, elle s’arrêta, incapable de détacher les yeux de son père.